Liminaire
Commencer par trouver un
titre.
Textes
brefs !... Vraiment original.
Pourquoi pas Texticules,
ou Margicules comme à l'époque de Totem. Mais ces textes ne
sont pas destinés aux marges. Ils ne sont pas destinés.
Que disent les mânes ?
Choses vues. Je
n'aime pas trop les choses, père Hugo. Elles manquent d'âme,
frisent trop l'anecdote. Les miennes ne sont pas vues, mais
ressenties, perçues, rêvées, espérées... Le parti pris des
choses. Ponge ne serait-il qu'un copieur ! Le titre fait son
petit effet. Mais, pour l'avoir lu, je préfère ne pas me mettre
sous l'égide de sa poésie technicienne, si froide. Alors...
Jules Renard. Ses
merveilleuses Histoires naturelles. Si poétiques, drôles,
fines, surprenantes.
Mes petits tableaux ne
sont pas trop naturels. Pas tous. A part le seul que j'ai écrit. Je
réfléchirai à Blasons, comme ces petits poèmes consacrés
à un détail anatomique, tel Le Beau Tétin de Clément
Marot. Blasons du ciel, blasons des arbres, des êtres, des objets,
des corps. L'art de blasonner requiert chaleur et amour, doigté,
précision et douceur. Il magnifie l'objet qu'il voue à l'art.
J'y réfléchirai
sérieusement.
Après ce long préambule
à la recherche d'un titre à trouver, introuvé... le premier texte.
L'insert
NB : Un insert est une
chambre de combustion métallique comportant une ou plusieurs portes
et laissant apparaître le feu à travers des vitres spéciales se
substituant au foyer d'une cheminée de chauffage au bois ou intégré
dans celui-ci.
Le
bonheur, anachronique, de faire un bon feu.
Dans
un insert.
La
fumée reste emprisonnée dans le petit caisson étanche où le bois
avec le spectacle des flammes qui l'assaillent prend des allures
d'aquarium tropical si l'on a bien pris soin de nettoyer la vitre.
Derrière
la vie du métal, ses grincements, ses dilatations, se perçoivent
les craquements du bois.
Un
léger fumet a quand même imprégné l'air, suffisamment pour être
transporté ailleurs, vers d'autres feux, d'autres campements, des
souvenirs de veillées, de flambées illuminant la nuit.
On
s'assoit dans le canapé.
Le
salon est silencieux. Personne pour raconter une vieille histoire. La
télévision est éteinte. Les radiateurs diffusent leur chaleur
électrique.
L'énorme
bille de bois trône dans le foyer. Le feu a creusé ses entrailles,
des coeurs écarlates pulsent dans le noir, des cavernes s'ouvrent
sous les parois sombres. Courant comme des cavales sur les flancs
d'une colline, les flammèches glissent sur le ventre du monstre,
lèchent son dos, volètent sur l'écorce moussue et s'évaporent.
Danseuses
orientales aux voiles transparents, herbiers de feu ondoyant sous les
vagues de chaleur, petits animaux craintifs flairant leur proie.
Le
périscope de la cheminée crache son haleine tiède dans l'immensité
glacée de la nuit.
Il
faut s'enfoncer dans les profondeurs de la maison, sa tiédeur, son
calme, sa paix abyssale.
Les
colonnes d'air chaud gonflent la trachée de métal, le feu
s'assoupit, se rencogne au coeur de la souche qu'il va grignoter
lentement de l'intérieur comme une grosse pomme d'api.
La
bête blessée ferme ses yeux un à un, rougeoyants sous une épaisse
paupière de cendre.
Dans
la cage de verre, le dragon s'est endormi sur son trésor et ne
poussera son dernier souffle qu'à l'aube grise.
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