Mes écoles, le ballast, les talus... (texte paru dans Ces Charentes auxquelles on s'attache © Le Croît Vif 2014)
Enfant, j'ai
vécu Chemin des lignes. Un nom poétique qui tire un trait sur
l'ordinaire.
Linéament élémentaire de mes
jeunes années, moi, l'inné amant de la vie au grand air.
Les lignes virtuoses aux belles
courbes dessinaient la frontière de mes équipées enfantines.
J'en ferai des lignes, sur mes
cahiers d'herbe, mes talus, mes merveilleux orénoques.
Bercé par le roulement mécanique
des rames, la mélodie millésimée des rails. 1968 – 1986.
Chemin de fer ? Chemin de
traverses.
Blast de la mémoire. Ballast du
souvenir.
Trois maisons cheminotes, au
sommet des talus, des dunes, comme des gares effarées, des phares égarés, sur
leur chemin de lignes.
Les grandes lignes - le souffle
de l'aventure, sans arrêt, cavalant jusqu'à Austerlitz.
Tirant à la ligne, dans leur
orbe de rêve et de métal, les modestes frères autorails et soeurs automotrices.
Et puis, de nuit comme de jour,
la scie déchirante des wagons de marchandises, bétaillers, citernes, trémies,
silos, porte-conteneurs.
Enfant, je ne
connaissais par L'enfant de Jules Vallès et sa fessée horlogère mais les
élèves de mon temps bénéficiaient, à l'école, d'autres outils de haute
précision et leurs études étaient tant culinaires que jardinières.
La spécialité en CE1 n'était
point ordinaire, extraite des meilleures pages du catalogue des délices
cuisantes.
La recette, qui n'était rien
moins qu'un steak de joufflu, nécessitait que le croupion de cancre, le
postère, mis à plat, le prose, pour ne pas faire dans la poésie, bref, le vrai
derche d'écolier élémentaire fût, à même son bureau transformé pour l'occasion
en plancha, apprêté, cuisiné, accommodé, assaisonné, arrangé, par une large
main de maître, à mi-chemin entre la tapette à tapis (il fallait bien nous secouer les puces et en
chasser les poussières indociles) et la pala (car notre maître adoré avait à
coeur de modeler nos esprits et nos corps par la pratique régulière d'une
saine activité sportive).
Au CE2, nous passions à la
botanique, avec l'étude d'une unique plante crucifère, à mettre en quarantaine,
la giroflée à cinq branches qui, dans nos contrées, fleurissait en toutes
saisons.
Nos joues en étaient imprimées de merveilleux herbiers à sa
gloire.
Mais, le maître, certes fleur
bleue, n'était pas que bucolique, il donnait aussi dans le Faust moderne, le
métallique, et voici son secret. Prenez une pyramide de doigts dressés au
zénith et appliquez-y, fermement, moult coups de baguette magique. Sourcier il
était car toujours jaillissait la fontaine salée.
Et ce délicieux jardinier avait
un doux nom d'oiseau.
Le jardin au Gond-Pontouvre.
L'école à Angoulême.
De l'autre côté des lignes.
Ah ! Le carrefour de ma Madeleine
aux saveurs nostalgiques.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire