31/03/2016

Mes écoles, le ballast, les talus

Mes écoles, le ballast, les talus... (texte paru dans Ces Charentes auxquelles on s'attache © Le Croît Vif 2014)

 
Enfant, j'ai vécu Chemin des lignes. Un nom poétique qui tire un trait sur l'ordinaire.
Linéament élémentaire de mes jeunes années, moi, l'inné amant de la vie au grand air.
Les lignes virtuoses aux belles courbes dessinaient la frontière de mes équipées enfantines.
J'en ferai des lignes, sur mes cahiers d'herbe, mes talus, mes merveilleux orénoques.
Bercé par le roulement mécanique des rames, la mélodie millésimée des rails. 1968 – 1986.
Chemin de fer ? Chemin de traverses.
Blast de la mémoire. Ballast du souvenir.
Trois maisons cheminotes, au sommet des talus, des dunes, comme des gares effarées, des phares égarés, sur leur chemin de lignes.
Les grandes lignes - le souffle de l'aventure, sans arrêt, cavalant jusqu'à Austerlitz.
Tirant à la ligne, dans leur orbe de rêve et de métal, les modestes frères autorails et soeurs automotrices.
Et puis, de nuit comme de jour, la scie déchirante des wagons de marchandises, bétaillers, citernes, trémies, silos, porte-conteneurs. 
Enfant, je ne connaissais par L'enfant de Jules Vallès et sa fessée horlogère mais les élèves de mon temps bénéficiaient, à l'école, d'autres outils de haute précision et leurs études étaient tant culinaires que jardinières.
La spécialité en CE1 n'était point ordinaire, extraite des meilleures pages du catalogue des délices cuisantes.
La recette, qui n'était rien moins qu'un steak de joufflu, nécessitait que le croupion de cancre, le postère, mis à plat, le prose, pour ne pas faire dans la poésie, bref, le vrai derche d'écolier élémentaire fût, à même son bureau transformé pour l'occasion en plancha, apprêté, cuisiné, accommodé, assaisonné, arrangé, par une large main de maître, à mi-chemin entre la tapette à tapis  (il fallait bien nous secouer les puces et en chasser les poussières indociles) et la pala (car notre maître adoré avait à coeur de modeler nos esprits et nos corps par la pratique régulière d'une saine activité sportive).
Au CE2, nous passions à la botanique, avec l'étude d'une unique plante crucifère, à mettre en quarantaine, la giroflée à cinq branches qui, dans nos contrées, fleurissait en toutes saisons.
Nos joues en étaient imprimées de merveilleux herbiers à sa gloire.
Mais, le maître, certes fleur bleue, n'était pas que bucolique, il donnait aussi dans le Faust moderne, le métallique, et voici son secret. Prenez une pyramide de doigts dressés au zénith et appliquez-y, fermement, moult coups de baguette magique. Sourcier il était car toujours jaillissait la fontaine salée.
Et ce délicieux jardinier avait un doux nom d'oiseau.
Le jardin au Gond-Pontouvre.
L'école à Angoulême.
De l'autre côté des lignes.
Ah ! Le carrefour de ma Madeleine aux saveurs nostalgiques.
 

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