Ayant retrouvé mon
ancienne édition de Typhon, parue en 1985 dans la collection
Grands Ecrivains choisis par l'Académie Goncourt, je me plonge dans
le roman de Joseph Conrad.
Je ne suis jamais allé
au bout de ce court récit maritime. Trop de termes techniques ? De
descriptions ? Edité dans la Bibliothèque verte, il est souvent
catalogué comme roman jeunesse. Ce qu'il n'est pas ! Il est de peu
d'intérêt pour les jeunes lecteurs : pas d'aventure, pas de trame
narrative claire, pas de héros auquel on pourrait s'identifier, un
huis-clos dans un bateau.
C'est un texte dur,
dense, âpre, dans lequel on peut ne pas du tout entrer.
J'apprécie
particulièrement deux aspects : d'abord l'écriture, laquelle nous
plonge dans le chaos régnant à bord du vapeur Nan-Shan qui, faisant
route vers le port de Fou-Tchéou, en pleine Mer de Chine, est la
proie d'un terrible typhon.
Ensuite, le héros, ce
capitaine MacWhirr, dont on dit qu'il est ordinaire, sans
imagination, stupide.
C'est pourtant lui, par
son sang-froid, qui sauve son navire avec l'équipage et les
passagers, deux cents coolies chinois rentrant chez eux avec leur
paye.
Typhon est
construit comme une tragédie. Le destin de ces hommes est tout
tracé, ils vont mourir et tous le savent. Le météore est le
symbole de la mort à laquelle ils ne peuvent échapper.
Les marins luttent, avec
force, dignité, contre les éléments, certains laissent apparaître
des failles, des lâchetés.
Le capitaine MacWhirr
n'est pas de ceux-là : il connaît son devoir et il l'accomplira
jusqu'au bout, sans réfléchir à son issue. Il fait penser,
prosaïquement, à ces légionnaires qui accompliront leur mission
coûte que coûte, ou aux héros grecs lorsqu'ils oublient leur
hybris.
Le capitaine MacWhirr
pourrait tout aussi bien être un meurtrier implacable, il est le
sauveur. Son navire doit revenir au port et le désordre humain, trop
humain, qui perturbe l'équilibre de ce microcosme, doit cesser : on
donnera aux hommes ce qui les calme, l'argent, les pièces de dollars
d'argent qui leur reviennent.
MacWhirr a résisté à
l'enfer de la tempête qui assaille le bateau et à l'enfer humain
qui gangrène ses cales où sont entassés les coolies.
Que penser de lui ?
Il n'est pas de l'argile
dont on fait les hommes, il est d'une autre nature qui nous dépasse
sûrement, et ses hommes, comme nous, pourront dire, une fois arrivés
au port, qu' «
il s'en est très bien sorti pour un homme aussi stupide ».
On sait qu'ils ont tort
mais il manque les mots pour dire le vrai.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire