17/06/2019

Demande à la poussière de John Fante


Je relis John Fante. Le père encore plus immature que le fils. Mais bon, quel âge avait-il lorsqu'il a écrit ce bouquin ? L'âge de son héros récurrent, Arturo Bandini. Une vingtaine d'années.
En fait non ! Il l'a publié à l'âge de trente ans, en 1939. Mais il se remémore le jeune paumé qu'il était, perdu à Los Angeles, à Bunker Hill, pauvre, amoureux, fou d'écriture et de célébrité.
On ne peut pas raconter ce livre.
Demande à la poussière.
C'est la vie misérable et grandiose d'Arturo Bandini. Ses hauts et ses bas. Ses laideurs et ses illuminations. C'est surtout l'écriture de Fante, mêlant le pathétique au comique, le lyrique au sordide.
Demande à la poussière est un titre si poétique.
La poussière du tremblement de terre de Long Beach (1933) que Bandini attribue à son commerce charnel avec l'inquiétante Vera Rivken. La poussière de ses mots dont il connaît l'envers mais qui le maintiennent en vie, tapissant le décor vide de son existence.
La poussière des rencontres, des existences côtoyées, frôlées, recherchées.
Celle du voisin, Hellfrick, bouffeur de barbaque monomaniaque et fauché.
De Sammy le barman du Columbia Buffet, rival détesté en amour et ridicule en écriture.
De Hackmuth, son dieu éditeur, aux dollars providentiels, à qui il écrit des lettres-fleuves qu'il métamorphose en nouvelles publiées en magazines.
Et bien sûr, de Camilla Lopez, la Mexicaine, serveuse au Columbia Buffet, son double féminin qu'il humilie et vénère à la fois, sa Sainte-Vierge et sa pute.
Il a si peur des filles, de celle-ci en particulier, de ce qu'il pourrait ne pas devenir, de lui-même, de ce qu'il représente aux yeux de l'Amérique.
Bandini est touchant car il essaie de vivre, d'accepter son destin, de le rêver, avec maladresse, fougue, méchanceté... et Fante, derrière lui, est implacable.

John Fante in a photo dated 1937. (Photo courtesy of the Los Angeles Public Library Photo Collection)


Aucun commentaire: